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poesie_nomade
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26 octobre 2008

Le toupet de la tente Dans quel tissu était

Le toupet de la tente Dans quel tissu était tissée la tente de ton père toi la fille des Bédouines ? Elle était tissée de tes cheveux noirs et drus filandreux presque crépus arrachés aux doigts des hommes quand sont passés dans le désert leurs griffes sur toi comme un peigne. Ils ont arraché tes cheveux et construit le sommet de leur tente avec le toupet de ton âme. Mais qui s’en souvient ? Je vois luire des strates décapantes, vergetures gercées sur le sol aride. Regarde bien : ce n’est pas l’eau c’est le sable. Un mirage de pierres découpé au couteau, il nous regarde sans nous voir en retournant l’envers de la rétine. Ils ont marché le pas des hommes avec leurs jambes de soleil en colonnes prises dans la glu. Une flaque là-bas, très loin, la seule non bue, et toi qui ne sait même pas quel jour tu es née. Ta poitrine a deux seins ralentis et vidés et l’un d’eux est ta sœur qui a bu tes années. Sur le dôme le rocher est lisse et j’ai marché à ta rencontre. Les hommes ont oublié qui t’a faite. Juste leur fierté et celle de ton père, quand, maintenant, il ne te tire plus, mais te voit, tête nue, rasée, repoussée, passer à la télé. Dans ta taille jointe à la mienne il faudra que passe le sang. Là-bas sur le sable les feuillets de pierre coupantes très fines, sont entrés dans tes veines. Et ton sang n’a plus rien, ni plaquettes ni feuilles. Je vole jusqu’à toi, ma sœur, ma pareille, pour rendre les feuilles écrites à la mémoire et les plaquettes au cyclone des arbres. Écris avec le nœud de ton sang, je t’en conjure, toi, le germe femelle du sable, et surtout n’oublie pas tes jumelles internationales, détachées, soulagées des boues souterraines et séchées. Nous venons tant à toi, nombreuses, innombrables, avec nos jambes lianes citadelles capables d’aller gober la sève crue au chaudron chaud du monde. (« La dernière des Bédouines », extrait, hommage à la poétesse tunisienne Najet Adouani, grand prix de poésie de la ville de Béziers 2006)
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